Hier après-midi.
J’ai mal au ventre, des fourmis partout, les mains qui tremblent, la bouche pâteuse.
La dernière fois que je me suis sentie comme ça je partais à la maternité.
Dans quelques minutes je vais retrouver ma fille que je n’ai pas vu depuis 72 heures. Pour la première fois depuis qu’elle est née.
Je suis dans tous mes états et en même temps je me foutrais des gifles tellement je me trouve bête.
En plus de l’excitation je suis un peu en panique parce que le pédiatre nous a dit qu’à cet âge quand on les laisse ils peuvent bouder un peu quand on les retrouve. Et franchement j’ai pas envie du tout. Sinon je vais pleurer. Et je la laisserais plus jamais.
Bref.
Avec Arnaud on vient de passer trois jours à Londres. Que tous les deux. En amoureux.
Cette année Arnaud va avoir 35 ans. Ça fait trois ans que tous les ans je me dis que je vais lui payer un weekend à Londres pour son anniversaire. Cette année ma mère nous a offert, en cadeau d’anniversaire de mariage, « 3 jours de baby sitting pour que vous partiez en amoureux », j’ai sauté sur l’occasion.
Alors oui son anniversaire n’est que dans 4 mois.
Oui, on peut trouver ça bizarre d’aller au pays de la pluie en été.
Oui la plupart des gens auraient été à la mer.
Mais on est pas la plupart des gens, déjà, je savais pas quand on aurait à nouveau 4 jours de repos ensemble, les billets étaient pas chers, les jours sont plus longs qu’en octobre, et moi, j’ai vécu 4 ans en Ecosse, si je retourne au Royaume Uni c’est quand il y a le moins de chance de pluie possible! Et quand en plus ça m’évite 4 jours de canicule en Lozère je saute sur l’occasion.
Je voulais que ça reste une surprise jusqu’au matin du départ mais pour plein de raisons j’ai dû le dire à Arnaud avant. La première raison c’est qu’il fallait sevrer Maxine et j’avais besoin de son aide. La deuxième c’est que je sais pas garder un secret d’Arnaud.
Au final c’était bien pratique qu’il le sache en avance. Déjà parce que Maxine et le lait en poudre c’est pas l’amour fou, la fin de l’allaitement a été compliqué. Mais en plus parce qu’Arnaud a BAC+12 en épluchage d’internet, trouvaille de bon plan et organisation de vacances. Du coup il a tout organisé, c’était nickel.
Donc vendredi matin ma mère est venue à la maison ,je lui ai tout expliqué, elle a tout noté sur un bloc notes (je vous jure que c’est vrai) et après manger on a fait un gros câlin à Maxine et on est parti.
Alors attention, je suis pas en train de vous dire que ça a été facile. Faut pas déconner non plus. Mais j’ai pas pleuré. Et rien que pour ça, je me décerne une gommette.
Ceci dit je venais de passer deux semaines à me répéter en boucle mon nouveau mantra « pour que Maxine soit heureuse elle a besoin que ses parents soient heureux, tu n’es pas une mauvaise mère parce que tu la laisse, ça fait 9 mois qu’elle est à la maison avec toi, elle va pas t’en vouloir, au pire, elle s’en souviendra pas, toi quand t’étais petite ta mère te laissait et tu l’aime quand même. »
En boucle.
Des fois je rajoutais « tu lui as laissé ton corps 9 mois, si on avait fait un état des lieux à la sortie elle aurait pas récupéré sa caution, depuis 9 mois tu es à la maison pour t’en occuper, elle peut bien te laisser trois jours de répit. »
Ensuite pendant une semaine j’ai expliqué à Maxine qu’on allait partir quelques jours, qu’on en avait besoin, qu’on allait revenir et que les mamans n’abandonnent jamais leurs bébés.
En boucle aussi.
Et du coup on est montés dans la voiture et on est partis.
A ma grande surprise Arnaud était un peu fébrile aussi de laisser sa fille. C’est pas que je pensais qu’il s’en foutrait. C’est juste que de manière générale il a pas beaucoup d’émotions. D’ailleurs il en a que deux. Content et pas content. Du coup je m’y attendais pas. Ça m’a soulagé.

Arrivés à l’aéroport et à peine notre sac enregistré on a foncé au bar pour boire un coup. Moitié pour célébrer le fait qu’on partait, moitié pour se donner du courage. Et aussi parce que traditionnellement on se la colle en avion mais vu le prix du gin tonic chez Ryanair c’était pas possible. Je crois qu’ils mettent de l’or dedans.
Moi perso j’étais persuadée que l’avion allait se crasher juste parce que j’avais laissé ma fille. J’étais hyper contente quand le barman m’a servi le plus grand verre de vin de l’histoire des bars d’aéroport. Il a dû voir mon air dépité et mon œil humide, il a rempli le verre jusqu’en haut. Merci monsieur.
L’avion s’est pas crashé.
Et on a passé un super weekend.

On a marché des kilomètres (j’ai assez d’ampoules aux pieds pour illuminer la tour Eiffel jusqu’à la fin de l’année), on a vu la relève de la garde, Buckingham Palace, Big Ben, la maison du parlement, Soho, Picadilly, Abbey Road.

On a fait une croisière sur la Tamise, visité la tour de Londres et arpenté le métro.
On a pique niqué dans un parc et mangé au Bubba Gump.
On a bu des pintes dans un pub jusqu’à ce qu’il fasse nuit et des shpritz en plein après-midi. Juste parce qu’on pouvait.
On a dormi trois fois sept heures d’affilée. Sans baby phone. Sur nos deux oreilles. (J’ai une ride en moins. Si si, je vous jure.)
On a marché main dans la main. On s’est fait des bisous dans la rue.

Mais surtout, SURTOUT, on a fait la gay pride à Londres. (On est militants pour les droits des LGBT. Et l’ambiance est juste… indescriptible.) C’était la folie. La plus grosse gay pride jamais organisée et on y était. Notre première était à Paris il y a deux ans. Et déjà c’était top. Mais faire la gay pride dans un pays où les flics qui font la sécurité ont le drapeau LGBT peint sur le visage c’est un autre niveau.

C’est mon parrain gay qui m’a élevé, pas mon père. Mon meilleur ami est gay. Quand il s’est marié j’ai pleuré comme une madeleine parce que je savais que pendant des années il n’en avait pas eu le droit et être présente ce jour là pour le voir s’engager auprès de son amoureux est une des plus grandes joies que j’ai connu. Du coup pour moi la gay pride c’est pas juste une grosse teuf avec des gens rigolos, c’est important il faut y aller. Surtout que j’ai l’impression qu’après une belle période d’avancées on est en train de franchement reculer. Et puis peut-être que ma fille sera lesbienne. Quel monde veut on pour elle? On y pense pas assez.
J’espère que dans une dizaine d’années on pourra y emmener Maxine. (J’espère qu’elle sera militante. Elle devra au moins être tolérante. On lui pardonnerait plus facilement qu’elle vote à droite que l’homophobie. Non je déconne. Dans les deux cas on la déshérite.)
J’espère aussi que quand on l’emmènera on aura passé l’age de se faire fouetter par des flics et embrasser des bites géantes. Non, ce n’est pas une métaphore.


Bref un weekend bien rempli et plein d’émotions.
Et quand on est arrivés à la maison dimanche elle nous a sauté dans les bras, elle passait de son père à moi toutes les dix secondes, elle nous faisait des câlins, des bisous, des sourires. Elle nous en voulait pas du tout. Et c’était trop génial.
Alors oui je ne suis rentrée que depuis 36 heures mais je sens déjà que je suis une meilleure maman que je ne l’étais jeudi. Ne serait ce que parce que j’ai dormi trois vraies nuits.
Je suis contente d’avoir coupé un peu plus le cordon et de l’avoir laissé un peu pour mieux la retrouver.
Je suis contente d’avoir passé trois jours toute seule avec mon mec sans une autre fille qui lui fait des bisous et des câlins tout le temps.
Je suis HYPER contente de pas avoir touché une couche de tout le weekend. Et de ne pas m’être fait griffer et mordre les seins parce que y’a plus rien dedans.
D’ailleurs quand on est rentrés j’ai fait une montée de lait magique et j’ai pu avoir une dernière tétée avec Maxine.
Et j’ai décidé que c’était un signe de l’univers pour me dire que j’avais bien fait d’aller rouler des pelles à mon homme de l’autre coté de la Manche.
Et ça, ça n’a pas de prix. Pour tout le reste…

ça fait du bien de partir un peu en amoureux, nous on est parti un peu moins de 48h, c’était déjà un bon début mais on s’est dit qu’on allait s’octroyer ces petits moments là plus souvent…! 🙂
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